De ruisseau en
ruisseau
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Je voyage de ruisseau en
ruisseau
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J'ai des ailes au bout des
pieds
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Je sens ma tête vide
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Et dans mes mains, il y a
une pomme
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Une très vieille pomme
ridée
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Qui a une chair de
femme
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Douce au toucher,
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Délicate à caresser.
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Une pomme souveraine
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L'exemplaire parfait et
velouté.
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Dans mes mains, j'ai une
pomme
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Une très vieille et
respectable pomme,
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Une pomme
surnaturelle
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Que j'aime caresser.
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Douce amie aux yeux
tendres
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Cheveux fous
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Bouche dévorante
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Amie, une nuit
d'été
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C'est court et énorme à
la fois
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Amie, un baiser
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C'est peu et amour à la
fois.
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Amie, tes jambes loin
des vents méchants
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Tes mains, loin de la
noirceur
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Coeur pur et
doux,
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chanson et fumée,
joie,
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Merci amie,
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Sur la plage nous nous
retrouverons
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Sable et ciel, galets,
vagues caressantes.
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L'immense plage sera
notre lit
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Mêm si nos corps
séparés par la distance
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Et nos amours,
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Même si nos
lèvres
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Embrassent
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D'autres
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Lèvres.
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La clope au bec
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Les mains sur les hanches de cette fille
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Tu danses et la fumée se lève et s'en va
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Et la fille tourne et vibre
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Et la musique continue
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La trompette fait son solo, haché
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Trituré par des milliers de pensées
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Et la femme entre tes bras
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Se lève et s'élève
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Et s'en va de tes bras.
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Prostituée
bizarre
Une
lampe au pied d'un arbre
Une vision romanesque
Et des voitures
Par centaines sur le fleuve. Prostituée bizarre
Qui payée par le mâle
Paye de son corps
La frustration des hommes.
La nuit est là, Des enfants nus sur les rues Dévient le souffle du vent Et endorment ta méfiance
Lecteur, tu empoisonnes tes
yeux Tu ne sais plus imaginer tes
mots.
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Un joli petit chien se prélasse dans un fauteuil,
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Devant lui sur une table basse fument des tasses de
thé,
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Des voix dans le couloir glissent jusqu'au coeur de la
chambre.
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Un sucre ou deux dans le creux de la tasse
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Et puis plus rien dans la main
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Qu'un mouvement rond qui agite la cuillère.
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Puis la tasse élevée jusqu'à la bouche,
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Un gateau sur l'assiette.
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L'on regarde par la fenêtre la grisaille
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Et la pluie, et l'on se dit,
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Mais qu'est-ce que l'on est bien chez soi.
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Avec sa poire
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Elle se tient toujours au comptoir
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La fille qui refuse de s'asseoir
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Même si tu l'invites à boire.
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Elle veut rester au comptoir
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Elle se regarde dans le grand miroir
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Elle se fait de l'oeil avec espoir
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Elle espère qu'elle se plaîra un soir
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Qu'elle repartira avec sa poire
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Qu'elle passera la nuit
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Avec elle-même
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Et non pas avec un corps
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Rencontré au hasard,
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Croisement de deux solitudes.
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Sur les trottoirs la nuit glisse ses pas
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Et moi je glisse en toi
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Tu dors et tu ne le sais pas
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Je me promène à travers toi.
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Nuit dans la nuit
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Je suis dans toi comme un bruit
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Bruit de ton coeur
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Je tiens tes hanches entre mes mains
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Comme si je ne tenais plus à rien.
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Si l'agneau est rouge de
sang
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Si le manche est de bois
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La lame est de fer
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Si la chair est d'homme
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Les habits sont d'agneau
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Si la mort est là
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C'est que la lame est dans l'homme.
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Souvent, quand les poètes meurent
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Il leur faut de la patience.
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Il leur faut attendre que leur mort soit homologuée
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Pour encaisser leurs droits d'auteur.
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Moi, cela fait vingt-trois fois que je meurs.
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Et vingt-trois réussites.
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Malgré les mauvaises langues,
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Chaque fois j'ai prévenu les agences de presse et
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Convoqué les photographes, les radios et les autres.
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Toujours six mois à l'avance.
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A chaque fois, je laisse ma mort se faire en direct.
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En fait, j'ai négocié mon transfert, directement avec
la Mort.
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Souvent, quand les poètes vivent
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Il leur faut de la patience.
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1945,
1946, 1947...1955
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Mairie d'Antibes.
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Martin Essoir, désirez-vous épouser Isabeau de La
Jonquille, ici présente?
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Le marié pris d'un fou rire fut emporté...
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Pour un mariage, ce fut un bel enterrement.
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